L’Alliance Internationale Terre Citoyenne commence à être une histoire ancienne, dans le meilleur sens du terme. Cela lui a permis de s’appuyer sur sa riche expérience pour jeter les bases d’une « université internationale terre citoyenne » qui saurait marier les savoirs locaux avec les besoins et les exigences d’un enseignement et d’une formation de caractère supérieur, pour servir le développement des populations et des communautés encouragées à se prendre en main. Pas étonnant, donc, que l’on puisse retrouver des trésors parmi les traces documentaires des nombreux échanges qu’elle a organisés ou auxquels elle a participé. Parmi les films réalisés par Philippe Cassard, notamment, une séquence se détache * : au début des années 2000, peu avant sa mort, Bara Goudiaby, leader paysan casamançais, dans le cadre de rencontres paysannes mondiales et avec la conviction affichée notamment par le Forum social mondial de Porto Alegre qu’« un autre monde est possible » s’exprimait sur le besoin d’une culture de la paix pour l’Afrique.
Bara s’était engagé, à la fois, pour l’avènement d’un mouvement paysan fort afin de répondre à la dégradation des conditions de production et d’existence sur le continent africain et pour la recherche d’une solution au conflit en Casamance qui respecterait ses habitants. C’est de cette situation qu’il s’inspirait donc pour affirmer que l’Afrique souffre d’un double déficit : de démocratie et de justice sociale. Et d’expliquer que, face à cela, « en Casamance nous parlons de construction d’une culture de la paix… de développement d’une culture de la paix basée sur une action locale et allant vers une refondation de notre patrimoine global. » Et que cette stratégie comporte trois axes qui définissent la culture de la paix : la réparation des blessures, la prévention des conflits et la promotion d’un développement durable. Nous disposons là d’un véritable programme fortement argumenté et, pas davantage que pour la paix, on peut désormais se permettre de feindre de ne pas comprendre de quoi il s’agit exactement !
Comment, face à une actualité brûlante, avec la catastrophe qui s’est abattue sur le Mali depuis plus d’un an et qui retentit sur l’Afrique toute entière, rester insensible à une telle parole qui n’a donc rien perdu de sa pertinence, au contraire ? Et puisque le projet de l’UITC est né en bonne part des fondements africains de l’Alliance terre citoyenne, comment ne pas voir là la responsabilité qui lui incombe tout particulièrement pour promouvoir une telle culture de la paix ? La voix de Bara ne peut nous réveiller fortuitement : les données brutes et brutales qui décrivent le Niger voisin, troisième producteur d’uranium de la planète en même temps qu’à l’avant-dernier rang mondial s’agissant de la pauvreté, ne peuvent nous laisser indifférents. Cet état de fait ne peut plus durer et Bara nous montre effectivement quelle voie nous devons suivre pour favoriser le développement et la paix en Afrique et au-delà !
Richard Pétris
Ecole de la paix - Grenoble
site Internet : www.ecoledelapaix.org