Ils lancent une nappe sur l'herbe autour d'un vieux chêne vert et, entre des sourires, chacun dépose sa contribution dans cette fête annuelle. Plusieurs pains, au blé, de seigle, aux céréales ; différents fromages, au lait de brebis, affinés et tendres ; une tourte aux œufs durs et aux poivrons ; des tortillas aux pommes de terre et aux légumes ; des crèmes froides et d'autres chaudes ; des fruits et pâtisseries de couvent et du vin, plusieurs bouteilles de bon vin fait maison.
?Enfin, quand tout le monde se trouve autour de la table du pique-nique, l'aînée d'entre eux se lève et commence sa litanie, comme une vieille chamane. Elle ne fait que réciter, mais elle semble avoir une bande de musicien qui l'accompagne.
??- "La nourriture que nous avons ici ne sont pas des aliments morts et synthétiques, ils ne viennent pas d'usines lointaines, des animaux n'ont pas été maltraités. Aucune terre n'a été volée ou achetée à des prix spéculatifs tout en déplaçant ses habitants, ni a été défendue avec des chars et la guerre. Ils n'ont pas épuisé la terre avec du poison pour chercher à doubler les moissons annuelles d'une monoculture. Ils n'ont pas accaparé l'eau des rivières, ni vidé les cours avant d'atteindre la mer, ils ne s'approprient pas des aquifères. Ils n'ont pas été semés avec des graines brevetées, aux prix impossibles. Ils ne polluent pas et n'épuisent pas l'oxygène de la planète. Ils n'ont pas eu besoin de scientifiques autours d'eux en train de facturer chaque idée, chaque techniques, chaque savoir. Ils n'ont exploité aucune main-d'oeuvre, enfants et femmes, afin de réduire les coûts. Non, rien de tout cela est dans notre nourriture.??
- Nos aliments ne sont faits que de biens communs -poursuit-elle-, de trois poignées d'une terre fertile et collective, de quelques gouttes d'une eau bleue de pluie et d'autres d'une irrigation partagée, le souffle d'un vent fertile ou le travail invisible, proche et libertaire d'une ruche, l'essence distillée d'une sagesse antique et les graines que nous conservons dans un bocal en verre et que nous échangeons.
- C'est juste tout cela, une expression de Terre et de Soleil. Ce sont des matière vivantes qui naissent du partage et qui ont une valeur inestimable: elle n'ont pas de prix.
??- Et elles alimentent bien."
??Ceux qui se réunissent tous les ans, depuis peu, sont de jeunes paysans qui ont trouvé une bonne agriculture, « celle qui donne vie à la terre», un avenir en dehors du capitalisme, la propriété privée et le fait de marchander avec tout.??
Une matière vivante qui se fait à partir du partage.
Gustavo Duch
Directeur de la revue "Soberania Alimentaria" (Souveraineté Alimentaire), écrivain, fondateur de Vétérinaires sans Frontières.
Plus d'informations (en espagnol):
- Vidéo de Gustavo Duch : Expériences lors de la rencontre "défis sociaux et environnementaux des systèmes alimentaires", La Peira, 2012.
- Blog de Gustavo Duch, PALABRE-ANDO.